Advanced Fighting Fantasy : la critique

Comme beaucoup de rôlistes de la deuxième génération, je suis entré dans le petit monde du jeu de rôle par l’entremise des livres dont vous êtes le héros de Steve Jackson et Ian Livingstone, publiés à l’époque par Gallimard, et qui étalaient leurs couvertures aguicheuses dans toutes les librairies de France. Des titres comme Le Sorcier de la montagne de feu,Le Labyrinthe de la mort ou encore La Forêt de la malédiction ont largement contribué à mon penchant pour les mondes imaginaires. Et même après avoir gouté aux plaisirs du jeu de rôle en groupe, j’ai continué à acheter régulièrement des livres-jeux. Je me souviens d’ailleurs avoir concilié les deux en passant de longues soirées à relever toutes les informations de contexte contenues dans la collection Défis Fantastiques afin d’en réaliser un atlas utilisable en jeu de rôle, et j’eus même la joie de faire jouer une adaptation personnelle des Collines maléfiques, le premier tome de l’inoubliable saga Sorcellerie située dans le même univers. À l’époque évidemment, j’ignorais qu’un atlas de ce monde existait déjà en anglais, et même un jeu de rôle complet.

Je n’ai mis la main sur Fighing Fantasy RPG que bien plus récemment, par le biais de la seconde édition intitulé Dungeoneer. Ce petit bouquin, extrêmement bien fait, constitue l’un des meilleurs ouvrages d’initiation au jeu de rôle que j’aie eu l’occasion de compulser. Extrêmement didactique, son format poche le rend nettement moins impressionnant que les gros volumes de 400 pages auxquels les éditeurs nous ont désormais habitués, et il profitait en plus de la popularité des livres-jeux. D’ailleurs, le fait que Gallimard ait choisit de publier L’Oeil Noir dans la même collection que les livres-jeux a très certainement contribué à la popularité de ce jeu de rôle dans l’hexagone. Je me suis également procuré Titan, l’atlas du monde de Défis Fantastiques, qui lui aussi s’est avéré particulièrement bien fait et agréable à lire, avec son ton proche du guide touristique.

advanced_fighting_fantasyBref, tout ça pour dire que l’annonce d’une réédition de Fighting Fantasy m’a tout de suite enthousiasmé, et je l’ai immédiatement commandé sur Amazon, un peu déçu de ne pouvoir récupérer en même temps la réédition de Titan et du bestiaire, Out of the Pits. Mais finalement, c’est plutôt une donne chose : j’ai économisé 50 euros.

Le premier contact avec cette nouvelle édition a immédiatement refroidi mon enthousiasme :  un logo pixelisé, aux bord crénelés, détouré à la va-vite sous Photoshop, et posé sur une texture de fond floue et jaunâtre. Heureusement, l’illustration est de bonne qualité. L’ensemble est quand même du niveau d’un PDF amateur. On feuillette alors l’ouvrage avec une certaine inquiétude, et là, c’est le drame. On ne peut pas vraiment critiquer la mise en page, puisqu’il n’y en a aucune : ça ressemble à un rapport de stage bâclé, avec des illustrations scannées depuis les ouvrages d’origine et posées ça et là dans le texte sans aucun travail de retouche, ou de recadrage. Du coup, on a l’impression de tenir entre ses mains une mauvaise photocopie. Cerise sur le gâteau, on a droit a des pages blanches à divers endroits du livre. L’éditeur s’est justifié en expliquant qu’elles servent à conserver la mise en page, afin que tous les chapitres débutant en page impaire. Oui, moi aussi ça m’a fait bien rigoler. Reste que l’ensemble respire la médiocrité. Ça commence mal.

Venons-en maintenant au contenu. Contrairement aux deux éditions précédentes, et malgré un sous-titre le présentant comme un « Introductory Role-Playing Game », Advanced Fighting Fantasy ne s’adresse pas véritablement aux joueurs novices. Si l’avant-propos et l’introduction font vaguement référence aux livres-jeux, l’aventure en solitaire qui caractérisait Dungeoneer par exemple disparaît au profit d’un scénario traditionnel (sans aucun intérêt au demeurant). Des personnages prétirés sont proposés, mais les règles sont à peine survolés. De fait, les joueurs néophytes devront lire plus avant les règles avant de pouvoir faire jouer ce scénario d’introduction, et les joueurs un peu plus expérimentés le zapperont carrément. Du coup, son intérêt en tant que scénario d’initiation est réduit à néant.

Les règles justement : on y arrive avec la création de personnage. Comme les deux précédentes, cette troisième édition a choisi de s’aligner sur les livres-jeux et de ne proposer que trois caractéristiques d’origine (Habileté, Chance et Endurance) et d’y ajouter la Magie. On ne détermine plus ses caractéristiques au hasard mais par un système de répartition de points. En revanche, le système se dote d’un nombre considérable de compétences spéciales qui viennent ajouter leur bonus à la valeur d’Habileté du personnage, et de divers talents, directement inspiré des jeux plus modernes. L’ensemble donne une curieuses sensation, un déséquilibre entre ce nombre restreint de caractéristiques, et la flopée de compétences et talents qui les complète. Sans compter l’apparition de la Magie en tant que caractéristique : pourquoi les magiciens auraient-ils droit à une caractéristique spécifique tandis que l’Habileté sert pour tout le reste ? Dans l’ensemble, ce chapitre est assez brouillon, et il faut être particulièrement attentif pour bien comprendre le processus de création des personnages, ce qui est un peu dommage pour un jeu censé pouvoir atterrir dans toutes les mains. Il se termine par 11 pages de fiches de personnages pré-remplies. Ça sent un peu le remplissage, même si ces fiches ont le mérite de s’accompagner d’un petit historique en plus des valeurs techniques.

Le reste des règles est organisé de manière plus claire, et s’il n’a rien de novateur il a le mérite d’être plutôt complet. En plus du système de magie traditionnel issu de la précédente édition, Advanced Fighting Fantasy propose également l’adaptation des règles de sorcellerie dans la célèbre série éponyme écrite par Steve Jackson. C’est une très bonne idée, malheureusement un peu gâchée par le fait que tel qu’il est présenté, ce système ne permet pas d’introduire de nouvelles incantations.

Je passerai rapidement sur le reste de l’ouvrage, qui propose un aperçu rapide du monde de Titan, et plusieurs chapitres spécialement destinés au meneur de jeu (des conseils qui se limitent à une série de poncifs et qui ne seront pas d’une grande utilité aux joueurs novices). Quelques règles optionnelles viennent compléter le tout, ainsi qu’un étonnant (mais plutôt amusant) système de génération de plans de donjon.

Je garde de la lecture de cet ouvrage un sentiment de profonde déception : à une époque où les rétro-clones se multiplient et où la nostalgie des jeux du siècle précédent semble gagner même les plus jeunes joueurs, j’aurais vraiment aimé assister à un retour en force de Fighting Fantasy, avec son univers pittoresque et sa cohorte de livres-jeux qui sont autant de suppléments potentiels. Je l’aurais bien vu présenté en petit format, pourquoi pas dans une boîte, avec tout le matériel nécessaire pour jouer. Mais voilà : n’est pas Wizards qui veut.

En résumé, j’aime bien :

  • Euh… j’ai beau chercher…

J’aime moins

  • La qualité graphique, médiocre
  • Les règles bricolées et brouillonnes
  • L’absence de didactisme dans la présentation des règles

Ma note perso : 0,5/5 (quasiment aucun intérêt)

0 réponses

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.